Un projet de loi décevant

Sous la pression du mouvement des Gilets jaunes, le président de la République avait annoncé en 2019 la création de la Convention Citoyenne pour le Climat afin de donner davantage de légitimité à son action climatique et d’offrir des visions nouvelles pour appuyer la politique du gouvernement, critiquée par la population. Après neuf mois de travail, les 150 citoyennes et citoyens représentatifs de la population et tirés au sort, ont élaboré 149  propositions que le Président avait promis à l’été 2020 de reprendre « sans filtre » en les transmettant au Parlement ou aux Français par référendum. Malgré cela, la plupart des propositions ont été retoquées ou abandonnées au fil du temps, au grand regret des garants et des participants de la Convention, ainsi que de nombreux acteurs politiques ou économiques concernés. Le 9 janvier 2021, le gouvernement a enfin dévoilé le « projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets », inspiré des propositions de la Convention. De nombreux acteurs comme Reporterre, le Réseau Action Climat ou encore Alternatives économiques estiment que ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. Par exemple, l’article 4 prévoit d’encadrer la publicité sur certaines énergies fossiles, mais ne remet pas en cause les subventions publiques dont elles bénéficient et ne propose toujours pas d’augmenter la fiscalité carbone. L’article 21 souhaite décliner la PPE au niveau régional, alors que cette obligation existe déjà au niveau des SRADDET. L’article 23  vise à abaisser le seuil de 1 000 m² à 500 m² pour l’obligation d’installation de système de production d’énergie renouvelable (ou de toiture végétalisée) sur les surfaces commerciales et les entrepôts, mais cette obligation ne concerne toujours qu’une partie infinitésimale du parc des bâtiments en France. Le texte sera discuté en Conseil des ministres à la mi-février et au parlement fin mars 2021.

La Réunion se convertit à la biomasse


Suite à une décision de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le producteur français d’énergie renouvelable, Albioma, annonce la fin du charbon de sa centrale de Bois-Rouge sur l’Île de La Réunion pour une conversion 100 % biomasse. Les travaux débuteront dès 2021 en privilégiant les gisements locaux de biomasse disponibles (bagasse, bois forestier, bois d’élagage, etc.), complétés par des granulés de bois importés issus de forêts certifiées type FSC et PEFC, pour une conversion total prévue en 2023. Selon l’énergéticien, cette transformation fera passer la part des renouvelable du mix énergétique de La Réunion de 35 % à 51 % et permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 640 000 tonnes équivalent CO2 par an. Albioma poursuit par ailleurs sa stratégie de développement en annonçant le 25 décembre dernier, la mise en service industrielle de sa centrale 100 % bagasse Vale do Paraná, située dans la ville de Suzanápolis dans l’État de São Paulo. Avec ce site, le Français, confirme son implantation au Brésil où il possède déjà trois unités similaires.

La pyrogazéification passe à la vitesse supérieure

Engie annonce que la plateforme de recherche et développement semi-industrielle, Gaya, vient de franchir une étape dans la production de biométhane à partir de combustibles solides de récupération (CSR). Situé à Saint-Fons (Rhône), ce projet a été initié en 2010 par Engie et cofinancé par l’Ademe pour un investissement total de 66 millions d’euros. Gaya est aussi un projet collaboratif réunissant onze partenaires français et européens dont, Tenerrdis, qui a labellisé le dispositif. La première phase du programme a axé ses recherches sur la pyrogazéification à partir de biomasse sèche (bois, paille, co-produits d’industrie du bois, etc.). Ces produits, chauffés en l’absence d’oxygène, produisent un gaz de synthèse qui sera ensuite épuré. Pour la deuxième phase du projet, Engie, annonce que la production de gaz renouvelable à partir de CSR, en l’absence de filières de recyclage dédiées, est aussi effective. Le passage au stade industriel se fera au Havre avec la construction d’une première unité de production à partir de 2023. Le projet, baptisé « Salamandre », devrait permettre dès 2026  de produire jusqu’à 150 GWh de gaz renouvelable.


Le secteur tremble en Alsace

Les deux décisions sont tombées coup sur coup. D’abord l’arrêt définitif du forage de Vendenheim lundi 7 décembre. Ensuite la suspension par la préfète du Bas-Rhin des autres projets de géothermie profonde du département mercredi 9 décembre. En cause : le séisme de trop ressenti quelques jours plus tôt à proximité d’un puits injecteur. Magnitude : 3,59. Cet épisode a définitivement mis à mal la théorie selon laquelle les tremblements apparus depuis le début du chantier devaient être liés à d’autres causes. À plusieurs reprises, l’entreprise Fonroche avait estimé qu’il était « impossible » que des travaux de fracturation aient de telles conséquences… Une appréciation qu’elle a finalement accepté de revoir. Vendredi 11 décembre, elle a annoncé traiter 300 dossiers d’habitants victimes de potentiels dégâts matériels suite à ces tremblements de terre. Dans la filière, c’est évidemment la soupe à la grimace. En particulier parce que ce projet de Vendenheim s’annonçait prometteur. À partir de 2021, il devait permettre de produire à la fois de l’électricité (avec une puissance de 10 MW) et de la chaleur (40 MW). L’installation semblait par ailleurs en mesure d’alimenter l’industrie du lithium à hauteur de 30 voire 40 % de la demande française. Pour autant, pas question de jeter le bébé avec l’eau du bain. « Le contexte de ce projet était très spécifique, rappelle Aurélie Lehericy, présidente du Syndicat national du chauffage urbain (SNCU). Avec des failles et donc un risque de sismicité, ce qui n’est pas le cas avec la géothermie utilisée par les réseaux de chaleur qui s’appuie sur des nappes, notamment au Dogger ». Rien à voir a fortiori avec les opérations de géothermie de surface. Même les installations de type de Vendenheim ne doivent pas être enterrées trop vite, ajoute-t-on à l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG). «  Des sites en exploitation dans le bassin rhénan existent déjà depuis plusieurs années en France (Rittershoffen, Soultz-Sous-Forêts) et en Allemagne (Landau, Insheim) », a rappelé l’association au lendemain de la crise alsacienne. Reste que les riverains de telles installations pourraient, eux, avoir du mal à se laisser convaincre. À l’AFPG, un groupe de travail pour « tirer toutes les leçons de ce qui s’est passé », et travailler sur la question de l’acceptabilité sociale des projets a été créé. En Alsace, une enquête administrative a parallèlement été diligentée par la préfète. Ses conclusions sont attendues à la fin du mois (O.D.).


Le marché du collectif passé au scanner


Observ’ER vient de mettre en ligne son étude annuelle du suivi du secteur solaire thermique dans ses applications collectives ou pour des opérations de grandes tailles. Le document, disponible en libre accès, présente un état des lieux complet de la filière à travers des indicateurs de marché, et également d’une approche qualitative basée sur une dizaine d’entretiens menés auprès d’acteurs du marché (bureaux d’études, industriels, associations) afin qu’ils livrent les tendances concernant leur activité au cours de l’année 2019 et du premier semestre 2020. Du côté des opérations solaires thermiques collectives, l’humeur reste à la morosité avec un marché nettement en baisse par rapport à 2018 (- 34 %) et qui ne semble pas regagner de la vigueur en 2020. Les professionnels du monde du bâtiment continuent de se détourner de cette technologie. Si certains restent échaudés par des contre-références passées, la majorité ne se sent pas suffisamment incitée par la réglementation (RT 2012 et la future RE 2020) ou les aides financières (le Fonds chaleur) pour investir dans le solaire thermique. Concernant les opérations de très grande taille, comme l’installation de la Papeterie de Condat-sur-Vézère (4 210 m2) mise en service en 2019, la dynamique est plus positive. Les appels d’offres organisés par l’Ademe ont permis de faire émerger de beaux projets. L’enjeu est désormais d’enclencher un mouvement qui doit prendre de l’ampleur pour attirer davantage d’industriels ou d’agriculteurs. L’alimentation des serres par l’énergie solaire thermique est par exemple un domaine prometteur.


EuropeWave pour soutenir la filière

L’Ocean Energy Europe Conference & Exhibition qui s’est déroulée du 1er au 4 décembre a été l’occasion pour l’Écosse et le Pays Basque d’annoncer le projet EuropeWave de 20 millions d’euros, dans lequel ces territoires collaboreront sur 5 ans dans le but de promouvoir l’énergie des vagues, dite houlomotrice. Tous deux engagés dans un processus de décarbonisation de l’économie, ils souhaitent devenir leaders dans ce secteur émergent en aidant l’Europe à atteindre l’objectif d’énergie marine de 100 MW pour 2025 et de 1 GW pour 2030. EuropeWave vise à repérer et évaluer les technologies en développement et à sélectionner les plus prometteuses en termes techniques et économiques pour les tester sous forme de démonstrateurs dans les eaux écossaises et basques. Pour le ministre de l’énergie écossais, il s’agit d’une opportunité pour continuer à travailler avec ses partenaires de l’Union européenne en France et en Espagne notamment.

La Normandie s’offre une nouvelle unité de biométhanisation


Le groupe allemand Weltec, spécialiste de la construction et de l’exploitation d’installations de biogaz et de biométhane vient d’annoncer la mise en service de l’unité de biométhanisation de Vire en Normandie. Ce projet de 11 millions d’euros, réalisé en partenariat avec Agripower France, un regroupement d’une quarantaine d’exploitations agricoles locales, permettra de traiter environ 70 000 tonnes de substrats qui seront transformés en biogaz et en biométhane. Les 200 tonnes d’intrants quotidiens provenant d’un rayon de sept kilomètres sont issues d’effluents animaux comme le fumier de bovins, les lisiers de porcs et de rebuts d’abattoirs. Cette unité innove aussi en utilisant la chaleur fatale d’une usine spécialisée dans la fabrication d’aliments pour animaux domestiques située à 500 mètres : les deux sites ont été reliés par une conduite d’eau chaude. Avec ce système, les intrants sont chauffés à 70°C et il n’est pratiquement pas nécessaire de réchauffer les trois digesteurs, les matières entrantes étant déjà à la température requise pour la digestion anaérobie. L’unité de Vire injecte environ 270 m³ de gaz vert par heure dans le réseau public et sont ainsi directement disponibles au niveau national comme source d’énergie ou carburant alternatif.


Chaleur très bas carbone


Quarante fois moins d’émissions de CO2 que le gaz. Trois fois moins que la biomasse. L’analyse de cycle de vie (ACV) de la chaleur consommée par la société alsacienne Roquette montre un avantage net à la centrale géothermique de Rittershoffen qui lui fournit 25 % de ses besoins (contre 50 % pour le bois et 25 % pour le gaz). Selon une étude présentée mercredi 18 novembre, un kilowattheure produit grâce aux calories du sol génère précisément 5,9 kg de CO2, dont la moitié liée à la consommation d’électricité, des pompes de production notamment, durant la phase exploitation. « Pour chaque installation, le chiffre dépend donc du mix du pays », insiste Mélanie Douziech, assistante de recherche à Mines ParisTech et co-autrice de l’étude. L’ACV s’intéresse à d’autres paramètres environnementaux et le bilan des radiations ionisantes, qui évaluent l’impact des déchets radioactifs issus de l’électricité d’origine nucléaire, donne a contrario l’avantage au bois et au gaz, du fait du mix électrique français. N’émettant pas à l’usage de particules fines, la géothermie reprend l’avantage en revanche sur le gaz ou même la biomasse quand on parle d’impact sur la santé humaine ou sur la toxicité des eaux. 
Ces résultats ont un double intérêt pour les spécialistes de la géothermie profonde : d’abord, donner des arguments aux développeurs qui ont parfois du mal à vendre les vertus de leur technologie. Ensuite, optimiser certains choix. À Rittershoffen toujours, le forage effectué par un équipement diesel pèse assez lourd sur le bilan CO2 global. Choisir une foreuse électrique n’aurait donc rien eu d’anecdotique. Au-delà de ces conclusions, cette étude est un test du nouvel outil d’ACV simplifié développé dans le cadre du projet européen Géoenvi, « avec des académies et des exploitants, car son but est de prendre en compte des données réelles, par exemple sur les quantités de ciment ou d’acier nécessaire », insiste Guillaume Ravier, ingénieur d’études et développement chez ES-géothermie, qui a lui aussi contribué à ces travaux. Une utilisation généralisée des lignes directrices de cet outil simplifié va donner des gages de sérieux à des analyses que chacun faisait jusqu’alors avec ses propres choix méthodologiques. Les industriels et les réseaux de chaleur ayant souvent plusieurs sources d’énergie, l’intégration de la distribution de la chaleur n’a ainsi pas été retenue dans les calculs. Plusieurs unités fonctionnelles ont parallèlement été définies, comme la durée de vie de l’installation, estimée dans l’ACV à trente ans.


Forum EnerGaïa 2020 – 
9 et 10 décembre

Événement annuel dédié aux professionnels de la filière des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, le Forum EnerGaïa 2020 a dû être annulé cette année en raison de la pandémie. Une partie du programme des conférences prévues aura cependant lieu sous format digital les 9 et 10 décembre prochain. Le premier jour, la conférence plénière d’ouverture accueillera des personnalités de premier plan, telle la sociologue et philosophe Dominique Méda, pour méditer sur le sujet de la matinée « Accélérer la transition, pour une société plus résiliente ». L’après-midi, les Assises Régionales de l’Énergie se focaliseront sur la façon de rendre la rénovation accessible à tous, et les outils développés par la Région pour le faire. Le lendemain, le 10  décembre, deux grands sujets sont au programme. Le matin sera dédié à l’éolien offshore flottant et à la préparation des acteurs aux prochains appels d’offres pour des fermes flottantes commerciales. L’après-midi sera consacré à l’émergence de la nouvelle industrie de l’hydrogène, en faisant intervenir plusieurs industriels de la chaîne de valeur. Partenaire de l’événement, Le Journal du Photovoltaïque a préparé une édition spéciale EnerGaïa, gratuite et téléchargeable ici. L’an prochain, le Forum EnerGaïa se tiendra les 8 et 9 décembre 2021 au Parc des Expositions de Montpellier.

Fin du gaz dans le neuf

Le 24 novembre, le ministère de la Transition écologique a détaillé les grandes lignes de la future Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), et a notamment annoncé la fin du gaz dans les nouveaux logements individuels. La nouvelle RE2020 est depuis de nombreux mois le théâtre d’une bataille entre gaziers et électriciens, et cette annonce semble avoir tranché en défaveur du gaz. Pour l’habitat individuel, le gaz sera banni des constructions neuves, dès l’été 2021. Nous savions déjà que la RE2020 comprendrait un nouveau critère sur les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, nous savons que la limite sera de 4 kg de CO2 par m² et par an, dès son entrée en vigueur à l’été 2021, éliminant de facto le gaz. Pour les logements collectifs, l’objectif à terme est le même, mais les contraintes seront progressives avec une limite d’émission de gaz à effet de serre fixée 14 kg de CO2/m²/an entre 2021 et 2024. Critiqué sur le risque de voir ressurgir le chauffage à résistance électrique, le gouvernement répond vouloir limiter son recours, car « s’il est peu coûteux à installer, ce mode de chauffage est cher à l’usage et pèse plus fortement sur le réseau électrique au plus fort de l’hiver ». Heureusement pour le secteur du bâtiment, les mesures concernant les émissions associées à la phase de construction seront appliquées progressivement pour lui permettre de s’approprier les nouvelles techniques, notamment l’ossature bois et les matériaux biosourcés. Autre information importante, le confort d’été est pris en compte dans la construction des logements, grâce à un critère intégrant les périodes de canicule.